Elysium, l’élu de Babylone contre les Enfers

« Hadès accéda, mais non sans piéger avant Perséphone, qui se voit obligée à passer quatre mois par année à l’Inframonde comme épouse de Hadès, et les huit mois restants libre dans la surface. »

La Terre en 2159. La Tour numéro 5 semble bien se porter.

Notre histoire apocalyptique se déroule au 22ième siècle dans un monde où les humains vivent, ou plutôt meurent sur Terre, alors qu’une élite se terre dans une sorte de sphère d’Eden spatiale.

Âge d’Or contre Âge de Fer, l’idylle eugéniste contre « la Babylone sans fond de teint » c’est bel est bien le combat de ce film et le messianisme mondialiste n’est pas loin.

Alors ce monde céleste serait-il celui d’une projection mentale ? D’un monde idyllique certes, mais un monde de mort ? Un paradis terrestre si perdu que sa seule place serait au dessus de nos têtes ? Oui et non..

La mythologie tout d’abord. « Élysée » du latin « Elysium » est, en effet, lieu de l’Hadès (le royaume des morts) où les héros, les gens vertueux et les braves goûtent un repos éternel après leur mort. Mais point de brave sur l’Elysium de notre film, seulement des gens froids, trop propres, fades et insipides qui goûtent l’Ennui éternel dans un monde sans vie, ni mort.. Si l’on ajoute à cela qu’Hadès est le Dieu des morts ou encore généralement appelé le Maître des Enfers, nous comprenons un peu mieux ce dans quoi nous allons entrer, c’est-à-dire l’inversion complète des valeurs.

Nous venons de le voir, le Jardin d’Éden est spatial et y a Hadès comme patron, mais ce n’est pas terminé. Les pires anti-complotistes vont pouvoir s’y donner à cœur joie à partir de maintenant. Seulement de complot il n’y a pas, tout est simplement une question de rapport de force.

Parlons dès à présent de la machine à guérir les malades en masse. Cette machine, présente dans toutes les somptueuses maisons d’Elysium, permet à tous les citoyens de se guérir instantanément de n’importe quelle maladie, bénigne ou très grave. Mais c’est la tête de la Gorgone qui est gravée dessus, la tête de Méduse, la seule des trois sœurs Gorgones à être mortelle. En se guérissant si facilement, les habitants se salissent l’Âme par cette bête qui symbolise “la perversion de la pulsion spirituelle” et non pas la vie éternelle. Paul Diel nous éclaire davantage : « Méduse symbolise l’image déformée de soi […] La pétrification par l’horreur (par la tête de Méduse, miroir déformant) est due à l’incapacité de supporter objectivement la vérité à l’égard de soi-même. Une seule attitude, une seule arme, peut protéger contre Méduse : ne pas la regarder afin de ne pas être pétrifié d’horreur, mais capter son image dans le miroir de vérité. » En introduisant ce symbole, le réalisateur place un second niveau de lecture pour les “initiés”, dénonce-t-il pour autant la perversité de cette machine à faire des miracles ? Certainement pas, il plaque dessus le signe de la Bête et nous oblige à l’aimer par sa mise en scène et son scénario. Mais cette dégénérescence intérieure de l’être, est aussi le miroir de celle que l’on voit sur cette Terre malade.

L’Humanité n’est qu’une, les différences entre les hommes semblent s’estomper et ne représentent rien face à cet Autre que les sous-citoyens regardent comme un idéal d’eux-même impossible à atteindre. Les langues se sont mêlées, mélangées pour donner à entendre pour la Terre un mélange d’anglais appauvri saupoudré d’espagnol frelaté à l’accent mexicain (toujours pour un langage vulgaire d’ailleurs), et un langage épuré, froid et administratif sur Elysium. À noter que la première scène de dialogue sur Elysium se déroule en Français, langue ô combien noble il n’y a encore pas si longtemps.. Au temps des cours et des aristocrates vous vous souvenez ?

Le personnage principal joué de belle manière par Matt Damon incarne un certain Max Garcia… Rien à envier à Mustapha Menier, Alpha du « Meilleur des Mondes » (prénom américain, nom mexicain pour notre héros, à chaque lieu et chaque époque son métissage) où les races sont confondus (oui je sais ça n’existe plus désolé), les prénoms et les langues mélangés pour donner des êtres perdus dans un monde surpeuplé et malade où la seule possibilité pour vivre est de… survivre. Et là, pas de manuel de survie à la sauce San Gorgio..Ou alors il l’aurait mal lu !

Le projet Vénus

Mais quel est donc l’idéologie de cette île spatiale ?

Tout d’abord en bon conspirationniste qui se respecte, je me dois de mettre en avant les corrélations flagrantes, si bien architecturales que philosophiques, avec le fameux « Projet Vénus ».

Là encore, pas de complot, allons voir directement sur le site des intéressés : « Le Projet Venus est une organisation qui propose un plan d’action réalisable pour un changement social et qui œuvre à l’établissement d’une civilisation mondiale pacifique et durable. Elle esquisse une alternative vers laquelle tendre, au sein de laquelle les droits de l’homme ne sont plus de simples proclamations papier, mais un mode de vie. »

Projet Vénus

Belle dialectique habituelle qui désormais doit fait tilt dans nos têtes à la lecture de ses simples termes : «  civilisation mondiale », là elle est même « pacifique » et « durable » ; ou encore : « les droits de l’homme » comme « mode de vie ». Le tout pour nous vendre un monde eugéniste, robotique (Max deviendra une sorte d’hybride mi-homme mi-robot), technologique avec cette idée, que nous retrouvons dans le film, prétendant voir les machines et les robots comme de meilleurs gouvernants, bien mieux que nos sociétés traditionnelles. (Vous me direz, si demain des ordinateurs pouvaient voter à notre place, au moins il en serait terminé de la mascarade démocratique actuelle !) Ce serait, en effet, en appliquant toutes nos avancées technologiques que l’homme pourrait retrouver son jardin d’Eden, son paradis perdu, ne plus travailler et vivre en ilote, peinard, dégagé de toute considération spirituelle et transcendantale. Car c’est bien l’aspect primordial de ce projet et de ce qui se passe sur Elysium. Certes, vu d’extérieur cela peut plaire à quelques Humanistes (pas moi apparemment), qui voient dans l’accommodation matérielle à outrance si nécessaire et le bienêtre du corps les seuls objectifs de vie. Plus de maladie, plus de souci, plus de souffrance.. mais plus de transcendance, il est peut-être là le clivage entre nous et le messianisme Mondialiste. Justement, allons-y donc..

Elysium

La ministre Rhodes, la maîtresse des Enfers.

Notre belle mais vieille Jodie Foster incarne Madame Delacourt, ou Ministre Rhodes, chef de la sécurité intérieure de Elysium, un peu hystérique et aux envies de putsch contre le Président virtuellement élu par programme ordinateur. Une sorte d’Angela Merkel voulant prendre la tête de l’Europe par putsch sur facebook. Pauvre Van Rompuy, son Achille n’est pas prêt d’être inquiété. Ce personnage tente de s’allier à un maître de l’informatique qui, comme elle, a tatoué sur sa joue ce nom de “Rhodes”. Le personnage de John Carlyle a pour mission de “rebouter” le “système”, sous-entendu le système démocratique moderne, celui de l’auto-vote par réseau. Une nouvelle sorte de Grand Architecte.

Me direz-vous mais je connais ce nom Rhodes.. Une île Grecque je crois ou quelque chose dans le style.. Non ! Il s’agit de Cecil Rhodes. Pierre Hillard fait les présentations :

Cecil Rhodes (1853-1902)

« Ce grand défenseur de l’Empire britannique émigre en Afrique australe où sa personnalité et ses qualités intellectuelles hors normes lui permettent de faire fortune dans le diamant. Il est à l’origine de la création de l’industrie diamantaire De Beers en liaison et avec l’appui de Nathaniel Mayer Rothschild (1840-1915). Sa fortune colossale lui ouvrant les portes de la colonie britannique, Cecil Rhodes pose les jalons permettant à l’Etat Sud-africain (dominion de l’Empire britannique) de prendre forme quelques années après sa mort en 1910. Son influence financière et politique lui permet de contrôler des territoires à qui il donne son nom : la Rhodésie. Divisés plus tard en Rhodésie du Nord et Rhodésie du Sud, ces États sont devenus la Zambie et le Zimbabwe. Cependant, sa grande idée coloniale est de réaliser une immense voie de chemin de fer partant du Cap jusqu’au Caire. Dans sa défense de l’Empire britannique, les voies de communications constituent un enjeu capital pour la mise en valeur des richesses de toute sorte. Le développement des voies de communications (sous toutes ces formes) est le passage obligatoire pour le bon fonctionnement de tout Empire. Ce précepte est d’une très grande actualité en ce début de XXIè siècle. Les voies de communications constituent les artères irriguant l’empire commercial et politique.

Cecil Rhodes (1853-1902)

Au-delà du bon fonctionnement de l’Empire britannique, un idéal supérieur taraude Cecil Rhodes. En effet, convaincu de la supériorité de la « race » anglo-saxonne, il conçoit une politique afin d’assurer cette prééminence : l’union de tous les pays anglo-saxons ou, plus exactement, l’instauration d’un bloc réunissant l’Empire britannique et les États-Unis d’Amérique. L’ensemble doit constituer pour lui le socle permettant la naissance d’un Etat mondial animé des principes et de la philosophie de l’aristocratie commerciale anglo-saxonne. Afin d’y parvenir, il estime nécessaire de recruter des personnalités supérieures au sein des universités qui, animées du même idéal, seront soutenues pour occuper les postes clefs et aussi divers que l’économie, la finance, l’armée, l’éducation, le renseignement ou encore le journalisme. Ainsi, pareil à un corps d’armée, ces différentes personnes véritables jésuites du mondialisme convergeront vers le même but afin de former les esprits dans leurs pays respectifs tout en développant les structures politico-économiques conduisant à l’émergence de cet État commercial mondial. »

Ce bon Rhodes pensait que pour atteindre ce but si grandiose il fallait former de jeunes esprits talentueux. Il créa donc la « bourse d’Études Cecil Rhodes ». Cette bourse existe encore aujourd’hui, en voici quelques profiteurs. Que des inconnus !

-Marius Barbeau (1883-1969), anthropologue, ethnologue et folkloriste canadien de 1910 à 1969 (boursier 1908-1910, Oxford)

-Albrecht Theodor Andreas Graf von Bernstorff (1890-1945), allemand, diplomate, puis résistant au nazisme.

-Wesley Clark (1944- ), commandant en chef des forces de l’OTAN entre 1997 et 2001

-Bill Clinton, (1946- ), président des États-Unis de 1993 à 2001

-Guy L. Coté (1925-1994), réalisateur canadien de documentaires puis producteur à l’ONF, fondateur de la Cinémathèque québécoise

-John Carew Eccles (1903-1997), neurophysiologiste australien (boursier 1927-1929, Oxford), prix Nobel de médecine 1963

-Russ Feingold (1953- ), homme politique américain

-Bob Hawke (1929- ), premier ministre d’Australie de 1983 à 1991

-Marcel Lambert (1919-2000), homme politique Canadien (boursier 1946-1948, Oxford)

-Richard Lugar (1932- ), homme politique américain

-John Macalister (1914-1944), agent canadien du service secret britannique

-Hilgard Muller (1914-1985), avocat, ambassadeur et homme politique d’Afrique du Sud

-Rex Murphy (1947- ), commentateur politique canadien

Ernst Friedrich Schumacher (1911-1977), économiste britannique

-George Steiner (1929-), écrivain anglo-franco-américain, spécialiste de littérature comparée et de théorie de la traduction, essayiste, critique littéraire et philosophe (boursier en 1950)

-Clarence Streit (1896-1986), fédéraliste atlantiste américain

-James Woolsey ( – ), patron de la CIA de 1993 à 1995

-Pardis Sabeti (1975 – ), généticienne de l’évolution iro-américaine

Je ne vous les mets pas tous mais appréciez le panel. Entre les hommes politiques, les agents de la CIA ou que sais-je encore, la mention spéciale sera pour Madame Sabeti, « généticienne de l’évolution » ce qui est énorme, et Iro-américaine.. Alors là.. Je m’incline !

La victoire du Bien contre le Mal ?

L’idéologie portée par le personnage de Rhodes dans le film va prendre fin (je ne vous dis pas comment) et va être remplacée par bien pire encore. Pour faire place au Putsch rêvé par cette femme de fer, nous allons avoir droit à un renversement de valeurs détonants. C’est là que l’Hollywoodisme est très fort car il nous force à choisir un camp. Face à l’infâme dame blanche, ce qui se présente en face ne peut être que Justice !  Mais le Mal se déguise en Bien pour mieux nous duper, ça il sait faire. C’est notre Max Garcia qui, tel le samouraï se sacrifiant pour les siens (voire les nombreuses références aux cerisiers dans ce film cf lien ci-dessous), ou pire encore, tel un Christ cybernétique appuyant lui-même sur le bouton « Croix » du clavier, qui par sa mort va donner la citoyenneté d’Elysium à tous. À noter la belle tranche de rigolade quand la figure du Judas local lui indique d’un signe de la main “tu appuies là hein, ne te trompe pas!”.. Voici enfin le projet Mondialiste vainqueur, sous prétexte bien évidemment de bonheur universel, de sans-frontiérisme absolu et de droit de l’hommisme radical, alors que l’Homme en se créant lui-même son propre paradis robotique et virtuel s’éloigne du Bien, s’éloigne du Beau, s’éloigne du Vrai, s’éloigne de lui-même et s’éloigne donc de Dieu.

À vous de choisir votre voie, celle des Champs Élysées du Commerce et du Mensonge, ou celle certes plus empreintes de doutes et de souffrances mais qui normalement s’illumine, celle de la Vie.

Et si comme dans le film vous pensez qu’il suffit d’appuyer sur un bouton pour sauver le Monde, appuyez sur celui qui éteint votre poste de télévision, vous vous sauverez peut-être vous-même.

À bon entendeur…

Liens utiles :

http://www.allocine.fr/film/fichefilm-182991/casting/ (À consulter pour voir qui est derrière ce chef-d’œuvre. Instructif)

http://www.clan-takeda.com/asiemute/articles/588/la-fleur-de-cerisier-et-le-samourai/

http://www.voltairenet.org/article164176.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Bourse_Rhodes

http://www.thevenusproject.com/fr/projet-venus

Voir aussi la critique de Gladiator par Sylvain Durain

Voir aussi la critique de Gone Girl par Sylvain Durain

Voir aussi la critique de Interstellar par Sylvain Durain