Vaccinistan
C’est tellement obscène et digne d’une dystopie de bas étage qu’on écarquille les yeux, qu’on se demande si on a bien vu, bien entendu. En Angleterre la première femme à être vaccinée, une retraitée, se retrouve face à une haie d’honneur, considérée comme une héroïne parce qu’on lui a administré un joli petit sac à malices microscopique et rempli de carbone modifié. C’est la « femme du jour » pérore une speakerine aux joues carminées de plaisir. Au même instant le ministre de la Santé Matthew Hancock est en pleurs. Il pleure littéralement de bonheur, grâce à Saint Gilead et Saint Pfizer qui sont venus délivrer le Chrême miniature, l’ultime onction bactériologique. Décidément, les ministres de la santé ces temps-ci ont quelque chose d’un peu too much, vous ne trouvez pas ? Entre Olivier Véran qui s’évanouit presque de colère au Parlement pour appuyer sa politique délétère et ce ministre qui suinte des grosses larmes de crocodile, on est dans une version un peu kitsch de l’Actors Studio, on se croirait dans un épisode pilote de West Wing réalisé par Max Pécas. Un peu plus tard, nos zanimateurs en France s’amusent du fait que le deuxième vacciné s’appelle…William Shakespeare et nous montrent de concert les images d’un pauvre bougre rachitique, regard luisant d’égarement, qui prête son bras docile aux aiguilles du renoncement. « Voilà une bien belle image qui nous donne un peu d’espoir pour l’avenir », ose un commentateur, ravi de la crèche. Une bien belle image, en effet : on jurerait que les équipes de Moderna viennent de ramasser un SDF au hasard dans la rue pour le piquer à but expérimental. « Il n’a pas de papiers, chef, comment on l’appelle ? » « Hmmmm…appelez-le William Shakespeare. Plus c’est gros, plus ça passe. Et puis 80% des crétins qui regardent la télé ne savent plus qui c’est ».
Est-ce que j’exagère ? Non, c’est la réalité qui exagère parce qu’elle s’est transformée peu à peu en un roman de Philip K. Dick, et pas un des meilleurs : plutôt l’un de ceux qu’il écrivait sous amphétamine pendant que sa deuxième femme Anne le terrorisait et l’obligeait à travailler dans un appentis au fond du jardin… Je ne parlerai même pas du fait que les médias – tous, sans aucune nuance – attendent le vaccin comme le messie et en font la promotion alors qu’ils ont délibérément choisi de mêler leurs anathèmes aux cris des lobbyistes qui ont descendu en flèche la chloroquine : d’un côté, un médicament vieux de 70 ans utilisé par des millions de patients, de l’autre une technologie inédite à base d’encodage génique seulement testée sur des animaux et sur laquelle des spécialistes – y compris chez Pfizer – avertissent que les effets secondaires demeurent la grande inconnue de l’équation. Les laboratoires sont tellement peu sûrs de leur coup qu’ils ont fait signer à l‘Union Européenne une décharge obligeant celle-ci à dédommager elle-même les éventuels patients souffrant de « complications »… Qu’à cela ne tienne : « Encore quelques semaines difficiles, et bientôt on pourra souffler », jubile un chroniqueur à tête de raie culière, sur France 5. On pourra souffler. Sur les chandelles du libre arbitre, sans doute. Depuis que les démocraties assument pleinement leur nature régressive d’homéostase, le vaccin n’est plus un argument biologique mais presque métaphysique : s’inoculer un échantillonnage de poison pour aller mieux, c’est sans doute l’aveu d’un accomplissement aporétique qui a commencé il y a bien longtemps, celui d’une société qui ne se voit plus comme un ensemble hiérarchisé, organisé autour d’une imbrication de souverainetés, mais comme un simple métabolisme, un organisme pluricellulaire, une juxtaposition sans fin de monades qui végètent et babillent sur fond de raturat post-cosmique.
Le vaccin, ce n’est pas un évènement, c’est un système à lui tout seul : extraire, isoler, inoculer. Tout est vaccin dans l’histoire contemporaine, jusqu’au terrorisme que les états s’injectent cycliquement dans les veines histoire de raffermir un peu leur propre intégrité « physique ». Complotisme ? D’abord, c’est pas moi qui le dit, c’est Debord… « Il n’y a pas de terrorisme en dehors de l’État ». Tout comme il n’y a pas de vaccination en dehors de l’ingénierie sociale. Le vaccin est issu d’une stratégie étatique globale, inhérente à l’esprit des Lumières, qui vise à asseoir le populationnisme en lieu et place de la société élective. La mithridatisation et la variolisation sont presque vieilles comme le monde, c’est leur industrialisation qui est nouvelle et qui a fondé le grand bain amniotique de notre modernité : c’est à partir du 1800 et dans le sillage des révolutions françaises et anglaises qu’elles deviennent des instruments de pouvoir : la vaccine, qu’on appelle en Angleterre le cowpox, est une variole bénigne détectée sur la vache (c’est l’origine du mot vaccin : vacca) et est inoculée ensuite en masse sur les populations. Comme le rappelle l’historien des sciences Jean-Baptiste Fressoz, la vaccine de 1800 est « un des fils de soie du pouvoir post-révolutionnaire : elle devait réaliser sans douleur ce que la Révolution avait tenté dans le bruit et la fureur : la régénération de l’homme. » Le vaccin n’est ni plus ni moins qu’un outil de régulation de la population. On peut y voir un signe prométhéen de la fin des temps comme un authentique progrès dans l’optimisation de la vie humaine, vous avez toute la fin d’année pour y réfléchir. Mais 200 plus tard, les faits sont là : le Technodrome est arrivé à un tel degré de sujétion spirituelle que ses poisons en tube sont accueillis à bras ouverts par la majorité des journalistes à cotillons et des serfs en blouse blanche. Et que toute tentative de nuance est presque taxée de haute trahison. Comprenez-moi bien : je ne suis pas de ces antivaccins bornés qui sanglotent derrière leurs écrans entre un visionnage de Hold Up et un sketch de Jean-Marie Bigard : les vaccins ont sauvé des milliers de vie, en effet. La seule question qui reste c’est : à quel prix ?
Par Marc Obregon
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